Je n’avais jamais vécu une scène comme aujourd’hui. C’était tellement éprouvant, toute l’équipe est revenue sur le cul. Nous étions crevés, nous ne voulions que finir cette p*tain de journée. Moi, j’avais plus qu’envie de boire … j’avais soif, plus que soif. Je revoyais ces visages nous regarder, tous impuissants devant ce qu’ils voyaient… devant ces corps inertes, sans vie. Toujours des cadavres… toujours trop tard… Et on annonce la mauvaise nouvelle aux familles, toute cette pression… aujourd’hui c’était la goutte… À quoi pouvait bien rimer s’accrocher à la vie, si le destin de certains finissaient dans un bain de sang, démembrés, détruits ou peu importe quelle tragique situation…
La journée était plutôt fraîche, quelques nuages ça et là décoraient le ciel et les rayons du soleil se faisaient discraits aujourd’hui. J’avais fait mon jogging en me levant ce matin et j’étais partie au boulot à la hâte. L’unité avait été appelée sur le champ pour une affaire de meurtre sordide, les dégats étaient énormes et nous avions peu de temps pour coincer le tueur… un vrai cinglé qui tuait tout sur son passage, sans scrupule, tout y passait. Femme et enfant, vieillard, handicapés… bref, on avait affaire à un serial killer loin d’être professionnel disons-le.
La tension était là, pénible dans les bureaux et Obs essayait tant bien que mal de se contenir devant ces photos qu’il nous faisait passer à tous. Des enfants… des êtres qui avaient leur avenir dans les mains, qui ne voyait pas le mal des gens… qui ne pensait qu’à s’amuser et vivre le moment présent. Le meilleur exemple du bonheur. Une femme enceinte… un couteau planté dans l’œil et ensanglanté à un point tel qu’on ne peut imaginer son visage. Le processus pour la poursuite se mit en branle et nous quittâmes le poste aussitôt.
Dans les rues de New-York tout semblait paisible, nous nous apprêtames à interroger le voisinage du suspect et des victimes quand on entendit un coup de feu dans un appartement d’où on était. Il frappait encore. Toute l’équipe courut jusqu’à l’immeuble où la scène était une fois de plus des plus macabres. Décidemment, ce type ne pensait aucunement à ce qui avait devant lui. Arrivés dans l’appartement, deux décès fut constaté; un homme dans la quarantaine avec une petite fille âgée d’à peine 10 ans. La rage me prit soudainement, voyant le sang partout sur les murs… mais où était cet enfoiré bon sang?
[…]
Voilà que le pire arriva, nous nous retrouvâmes devant le suspect avec une victime en otage. Je l’avais poursuivis pendant trois patés de maison avant qu’il ne prenne cette jeune femme, étudiante probablement, auprès de lui en pointant son flingue. Je savais qu’il pouvait tirer à tout moment, cela faisait une semaine que les cadavres tombaient à cause de lui. Et ce petite visage qui me regardait me suppliant de faire quelque chose, de la sauver… Je devais agir avec précaution. Obs pointa également son arme sur lui alors que l’unité s’occupa peu à peu de l’encercler et l’obligeant de laisser tomber.
- Écoute, ça ne vaut pas la peine, je sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais abandonne, nous sommes six sur ton cas et je te jure que tu n’en sortiras pas vivant si tu décides de tirer sur elle. dis-je spontanément.
Mon cœur battait rapidement, de plus en plus rapidement… je devais faire preuve de sang froid… trop de victimes avaient été sous son emprise, je ne voulais pas en faire une de plus.
- Tu tires, on tire tous! Rajoutai-je de plus belle
Ses yeux, son sourire ironique, il se foutait royalement de nous. Ma foi il se foutait de ce qui se passait en ce moment. Un gars sans scrupule oui. Il approcha son pistolet jusqu’à la tempe de la jeune fille. Nous lui crions de lâcher son arme, de nous écouter et de suivre les procédures, mais tout ce qu’il faisait était de rire.
- C’est quoi ton nom? Allez dit nous ton nom! Explique nous pourquoi tu fais ça, tu te rends pas compte que de ce que tu fais?- Tu parles, ouais je connais bien votre histoire, un coup je vais vous avoir expliquer, vous allez m’arrêter et vous allez me foutre en cellule et m’oublier.- Tu penses qu’on va te laisser partir comme ça, dans les rues de New-York comme si de rien n’était alors que tu as fait douze victimes? T’es un malade!Je regardai mon collègue en lui faisant signe de ne pas en rajouter, il fallait qu’elle s’en sorte. Il le fallait. Pourtant les prochaines secondes furent les pires de toute ma vie. Ce son, ces cris de douleur, ce rire macabre… Il avait tiré… il avait appuyé sur la gachette. Non non non non non! Je courus sur la jeune fille en la serrant dans mes bras.. Obs et deux des garçon de l’unité entama une nouvelle poursuite qui cette fois-ci fut concluante. Pendant qu’ils l’escortèrent au poste, je m’occupai d’assister les premiers secours jusqu’à la venue des ambulanciers… mais le décès fut vite constater. Je criai de tout mon être, toute cette frustration, cette énergie pour en arriver là… Des victimes innocentes qui n’ont rien à se reprocher, qui sont tombées sur plus fort qu’eux, un destin décousu…
Nous retournâmes au commisariat pour faire nos rapports des corps trouvés aujourd’hui et pour faire le compte rendu de la poursuite de ce cher Moglianni. Un schizo évadé de l’aile psychiatrique qui s’imaginait être le bras droit de satan et ayant la mission de tuer ces personnes qui méritaient leur sort. J’avais la mine basse, je n’arrivais plus à me concentrer. J’étais éperdumment en colère, je ne l’ai pas sauvé… Sous l’impulsion du moment, je me levai de ma chaise et bousculai tout ce qui se trouvai sur mon bureau, tout en prenant ma veste pour quitter le poste. C’était de la merde tout ça! Joey m'accrocha par le bras, mais il reçut la plus violente des gifles pour ce qui avait dit au tueur:
- Tu aurais du fermer ta gueule! Tout est de ta faute! dis-je en le menaçant du regard.
[…]
Arrivée au bar, je pris ma bière, puis deux et finalement une dizaine. Obs vint me retrouver pour me faire la morale bien entendu et pour me sortir ce cliché qu’on ne pouvait pas faire autrement, que je ne suis pas responsable et blablabla…et surtout qu'il ne voulait pas d'engueulade d'enfants dans son unité. Je m’en foutais, je ne voulais plus faire ce job… Je dis à mon cher patron de foutre le camp, que je ne voulais plus entendre ses salades, tout ce que je voulais c’était de m’évanouir pour oublier cette journée. Je n’étais pas du genre à verser des larmes, mais j’étais tout simplement dépassée et je ne pouvais me contenir. Une autre bière… je n’étais pas assez déconnectée…
© Grey WIND.